mercredi 21 mars 2012

Quand les notes perdent leur valeur


       Et voilà, le deuxième semestre commence annonçant le sprint final aux bacheliers la dernière ligne droite. Plus que quelques semaines pour l’épreuve nationale. Les résultats du premier semestre, pris en compte, ont été moyens ou bons pour certains et excellents pour d’autres. Merci Dieu. Merci chers profs.

     Lycéenne que je suis,je me retrouve écœurée face à une réalité d’aujourd’hui, sans réponses face à beaucoup de questions, sans compréhension devant beaucoup d’attitudes.
Parmi les élèves de nos jours au Maroc, se distinguent deux grandes catégories : ceux qui appartiennent au système public et ceux qui appartiennent au privé. Et les notes en font pour autant. Après un semestre d’acharnement, de travail sérieux, j’ai été très contente de mon résultat : un 17,85 que j’ai eu envie de crier sur tous les toits, d’accrocher sur le mur du salon... Dans ma classe d’un célèbre lycée public de Casablanca, tous avons eu de bons résultats, tous les bacheliers en général. Nous étions tous contents jusqu’à ce que s’annoncent les résultats de nos camarades des lycées privés (qui ont fui le public pour « les notes » comme ils disent) : Une élève qui a eu 10 en 1ère bac, 12 au régional, travail fainéant au cours du semestre se trouve alors avec un 17,78 de moyenne, un élève qui est toujours absent, n’a passé aucune évaluation de tout le semestre a comme moyenne 17,82 et ceux qui ont fourni à peine quelques efforts plus que lui, se retrouvent avec un 18 ou un 19. (Des exemples de mon entourage.)

Un seul mot que je peux prononcer : ABERRATION.

      Les notes n’ont-elles plus aucune valeur ? Ne sont-elles plus le fruit d’efforts fournis ? Ne sont-elles plus la récompense du sérieux ?
Les distribue-t-on ? J’ai entendu dire qu’il y a un commerce derrière tout cela. Dans plusieurs établissements privés on achète les notes.
Exemple : Monsieur X s’avance : « Je veux que mon fils ait telle note ». « Très bien monsieur X ça vous fera telle somme »Et là s’applique :" l’argent fait le bonheur". Parce que certainement Monsieur X en voyant le bulletin de son fils en sera fier et voudra le récompenser..

     Un ami qui étudie dans un lycée privé casablancais me conta : « J’ai eu 15,63 de mes propres efforts, mais lors des conseils de classe, mon père a réclamé au directeur 18 sur le bulletin sinon je quitte l’établissement. Le directeur se plia à la demande ». Et il en fut ainsi !....Une honte!
Les notes ont tellement de valeur qu’elles en perdent carrément !
Maintenant tout le monde peut avoir d’excellentes notes, il suffit d’avoir " the MONEY ".


     Qu’en est-il des enfants du peuple comme on dit en arabe ? Ils se tuent pour un 13, un 14 : des notes qui se font rares dans les rangs du privé. Même le pitre doit se montrer tous les jours en classe, faire un minimum d’efforts pour rêver d’un 9 ou un 10 alors que la présence n’est pas si obligatoire dans le privé (la sévérité change d’un lycée privé à un autre).

    On a beau nous dire qu’un bac étatique vaut plus qu’un bac privé. Mais n’empêche, la déception et le désarroi sont là !

    Je ne demanderai jamais à mes profs de me –nous- rajouter des points, non. Ce n’est pas la plus honnête des solutions et encore moins la plus raisonnable.
Je demanderai aux profs des écoles privées, à l’administration (qui souvent met pression sur ces derniers), aux parents d’arrêter ce calvaire.

     On sait tous que la moyenne du bac compte énormément lors des inscriptions dans les écoles supérieures, facultés... Alors donnons les mêmes chances à tous.
Car là, vous êtes entrain de donner des notes en l’air à des élèves qui ne méritent guère, et donc leur ouvrez les portes d’accéder à des concours et écoles( en piquant certainement la place à d’autres), de réussir sans mérite et réussir reste un mot vague. Une succession de magouilles, de triches, puis un diplôme à la main. Un job. Une vie.

    Mais quels genres de citoyens êtes-vous entrain de former ?
Cela ne fait que nous précipiter dans les ravins de la décadence. Le développement, un rêve !
Il faut les bonnes personnes aux bonnes places et que toutes soient au même pied d’égalité.
   


Écrit par Layla El Mossadeq

14 commentaires:

  1. Tout a fait d'accord layla ,cela est un grand problème que nous rencontrons au Maroc on arrive plus à distinguer entre les Bons et les "Bad" tous les élèves ont des notes très élevés (je parle de la majorité )sans fournir le moindre effort contrairement au écoles publiques .
    Alors si on se demande au future pourquoi Nous n'avons po de cadres assez qualifiés On sait déjà la réponse pourquoi !

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  2. Bravo pour ce témoignage!

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  3. Tout à fait vrai! C'est mon combat quotidien,je sensibilise les étudiants car les notes ne veulent plus rien dire, avoir un 18/20 est devenu banal.Pour moi, cette situation est inquiétante car surnoter un élève c'est lui mentir, lui faire croire qu'il mérite cette note, c'est de la malhonnêteté. En plus, les parents aussi sont complices, l'essentiel pour eux c'est que leur enfant "ramène de bonnes notes à la maison",pas de souci au niveau de la formation.Je suis sidérée quand je fais passer un entretien à un candidat pour un concours, qu'il n'arrive pas à aligner deux mots ni même écrire correctement et que je vois sur son bulletin de notes un 18/20 aussi bien en français qu'en anglais!!Personnellement, dès que je démarre un cours, je précise à mes étudiants qu'il n'y aura pas de complaisance au niveau de la notation de leur travail, une bonne note ça se mérite, qu'il n'est pas question que je leur fasse croire qu'ils ont un bon niveau quand c'est le contraire.Et le message passe bien, eux-même finissent pas reconnaitre qu'on s'est moqué d'eux. Le débat est long,je me demande comment on pourrait redorer le blason de l'éducation nationale.J'estime la situation très grave car on est en train de former des diplômés qui ne seront pas prêts à affronter le monde du travail. J'ai de la peine pour ces jeunes car on exploite leur naiveté, mais heureusement il y en a qui sont bien conscients de la situation et refusent de jouer le jeu. BRAVO Leyla.

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    1. Effectivement, et le pire c'est qu'une majorité se taisent devant tout cela. L'enseignement au Maroc est traîné vers une longue chute et entraîne avec lui les espoirs d'un lendemain meilleur. Il faut tout refaire et reprendre depuis la base (l'enseignement primaire) avec beaucoup de volonté et de persévérance pour pouvoir rêver d'un nouveau Maroc où l'égalité des chances, la justice régneront, où les valeurs et principes seront plus importants que l'argent et ce qu'il nous offre.

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  4. C'est un plaisir de lire ce texte bien rédigé avec un français devenu rare dans nos lycée etatiques et privés. Tu sais leila , tu as parlé au non de tous ceux qui mettent la main sur leurs coeur en se demandant vers quelle goufre nous nous dirigeons? C' vraiment le problème des valeurs des moeures et de la significations de l'école, de l'èducation, de l'enseignement , mais aussi de l'avenir de notre cher pays. BRAVO HICHAM.

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    1. Merci "3mmi" Hayat!
      J'espère que l'enseignement au Maroc se reprendra et changera sa direction vers un où de bonnes circonstances d'apprentissage augmenteront de sa qualité et favoriseront la formation de meilleurs citoyens!

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  5. Voila , une personne qui est bien consciente de l'etat et du niveau de notre education , cette derniere connait une degradation qui l'empeche de former un futur competent et motivé et surtout qualifié .
    Mais , il faut toujours garder espoir , esperons que le nouveau ministre de l'education national mettra fin a cette "ABERRATION" comme le dit notre chere amie Layla , deja, commencer par annuler les notes du controle continu pour les ecoles privées est le premier pas de son genre pour redonner aux ecoles publiques leur valeur .
    Layla ,de ma part tu ne recevras que des encouragements !!

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  6. En lisant ton article, Leila, je me suis sentie fière d'être ton professeur. Je rejoins ton soucis, en espérant que les parents se rendront compte de leurs erreurs envers leurs enfants et les écoles privées envers leurs élèves en gonflant leurs notes, malheureusement avec la bénédiction du ministère. Je te souhaite tout le bonheur.
    Aicha Boukar

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. J'espère que les personnes concernées se rendront compte de celà un jour et cesseront ce calvaire.
      Et je suis tout aussi fière d'être votre élève.

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  7. Sincèrement,je trouve ta réaction,chère Layla, intéressante,elle met en évidence la double face de notre système éducatif et dévoile en partie "l'incompétence" du corps enseignant face à cet handicap.
    Je pense que pour remédier à ce problème, il faut viser une bonne formation et permettre aux élèves d’acquérir des compétences qui leur permettront de franchir les obstacles de tout examen quel qu'il soit.
    Afin d'éviter le problème crée par l’enjeu du privé/public, il vaut mieux revenir à l'ancien système d'examen du Bac,ne prendre en considération que les résultats du normalisé et là le meilleur gagne. J'ajouterai même,en proposant de ne plus compter le régional car l'élève en 1ere année du bac est encore jeune et inconscient de ce qui se joue devant lui.
    Finalement,je peux dire que la course derrière"les notes",les a rendues sans valeur comme tu l'as mentionné.Rendons-nous aux examens et montrons-nous ce que nous valons réellement.

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